6 Apprendre à diffuser la doctrine des Frères
Avec un rythme d’un sermon toutes les deux semaines, voire toutes les semaines sur certaines périodes, la gestion de trois à cinq cercles d’études hebdomadaires et des conférences religieuses presque chaque week-end, je peux dire que ma vie d’étudiant militant était, disons-le, plutôt bien remplie. Parallèlement, il fallait consolider la connaissance religieuse pouvant alimenter la diffusion d’un tel volume de discours. Personnellement, j’ai calqué mon apprentissage sur celui de mon mentor, et l’accès progressif à la langue arabe sera un soutien extrêmement important pour consulter la masse d’ouvrages disponibles dans toutes les disciplines religieuses. La matrice demeurait tout de même la « famille » – usra – terme usité par les Frères musulmans pour désigner la cellule regroupant les militants fréristes à l’échelle d’une ville ou d’un quartier. Chaque semaine, mon mentor nous réunissait pour nous prodiguer la « leçon » articulée sur un thème précis. Pour ma part, je prolongeais mon apprentissage en dévorant tout ce que je pouvais comme ouvrages de manière assez méthodique.
Ce travail était partiellement facilité par la trame du programme éducatif édité par les responsables éducatifs de l’UOIF, qui s’apparentait plutôt à une simple trame avec des titres et une bibliographie composée d’ouvrages classiques et d’ouvrages reflétant la doctrine des Frères. C’est ainsi que je suis devenu un véritable « bouffeur » de livres, la bibliothèque islamique grandissant au fur et à mesure des voyages au Maroc, au cours desquels je dépensais une fortune pour acheter les ouvrages d’exégèse, de droit, de spiritualité, d’histoire, dans le quartier des Habous de Casablanca pour les ramener en voiture. Toute la décennie 1990 sera consacrée aux études et à l’apprentissage religieux. Apprendre, encore apprendre, toujours apprendre, à en devenir malade… Durant trois ans, se focaliser sur l’exégèse coranique et les sciences du Coran ; durant deux ans, passer en revue l’ensemble du droit musulman comparé en matière de culte et de relations sociales ; parallèlement, étudier quelques ouvrages majeurs de la spiritualité musulmane, et effectuer des traductions de textes pour les mettre à disposition des militants.
En 1993, alors que je consolidais ma pratique de l’arabe littéraire, j’avais achevé la traduction de l’Epître aux jeunes et de l’Epitre aux enseignements de Hassan al Banna ; ces textes seront utilisés pendant de dix ans par les responsables éducatifs de l’UOIF dans le cadre des séminaires d’intégration des nouveaux militants. Après cela, je passerai à la vitesse supérieure pour traduire des passages de l’Introduction à la doctrine des Frères musulmans (al madkhal ilâ da’watil ikhwânil muslimine) de Saïd Hawwa. Grâce à ma capacité à prendre des notes, j’ai retranscris je ne sais combien de conférences, de Hani Ramadan et de Hassan Iquioussen à mes débuts, puis de Tareq Oubrou, pour m’ouvrir à d’autres prédicateurs par la suite. Au milieu des années 1990, j’avais en ma possession trois cahiers grands format remplis de discours divers et variés que j’avais retranscris à la lettre. Je les perdrai après les avoir prêtés à une personne qui a dû, certainement, en faire un bon usage…a