Etre insolente, ça peut faire du bien à toutes
Tribune parue dans La Plume de l’Est de mai 2013, Les femmes, le devoir d’insolence ?
L’insolence, c’est le manque de respect vis-à-vis de ce qui est considéré comme les règles de bienséance, du savoir-vivre, des normes socialement partagées. L’insolent fait preuve d’une attitude de révolte, c’est pour cela notamment qu’il dérange. Appeler les femmes musulmanes à l’insolence peut être considéré comme subversif ! Et pourtant… lorsqu’on voit le traitement dont elles font l’objet, aussi bien au pays de Voltaire qu’au sein des sociétés musulmanes, on voudrait parfois assister à un mouvement de révolte général. Bien entendu, tout ne va pas mal en « musulmanie », loin s’en faut ; le féminisme dit « musulman » semble lui aussi se développer à grands pas, ces dernières années, mais avec une percée timide au sein de sphères religieuses qui demeurent, sous certains aspects, d’un grand conservatisme. Et c’est un peu là qu’il faudrait aller titiller les esprits musulmans.
Au delà des leaders religieux, trop de femmes et surtout d’hommes musulmans n’osent pas franchir le pas de la critique intra-communautaire des comportements patriarcaux, ou de l’approche renouvelée des textes par exemple. Pourtant, la critique est toujours salutaire quand elle a pour objectif de débarrasser l’islam de visions du monde issues de l’accumulation de couches culturelles où le patriarcat le dispute à l’exégèse orientée vers le reproduction du contrôle social des femmes. Récemment, le European Forum Of Muslim Women a fait paraître un livre, en français, assez salutaire, intitulé faux hadiths au sujet de la femme et écrit par Maryam Atiya. Une façon pour le Forum de mettre les pieds dans le plat en ce qui concerne des paroles que les musulmans ont tendance à se répéter pour mieux se persuader de leur véracité. De ce point de vue, la théorie sociobiologique de la création est un peu le pendant religieux de la volonté de certaines féministes d’éradiquer la notion de genre. Ici, c’est la volonté divine qui est en jeu ; Dieu aurait programmé les hommes et les femmes pour des fonctions « complémentaires ». L’idée peut paraître sympathique, mais le résultat est toujours plus ou moins le même, à savoir la mise en exergue de la virilité masculine au détriment de la soi-disant faiblesse féminine.
De quoi faire rire les femmes musulmanes chefs d’entreprises, artistes, diplômées d’études supérieures, tout comme celles qui se lèvent tôt le matin pour accomplir les tâches ménagères pour ensuite aller bosser, parfois dans des conditions très difficiles au plan physique. Certains savants musulmans éminents, à ce sujet, ont considéré du plus mauvais œil l’instruction de la femme sur la base du propos apocryphe, soi-disant attribué au Prophète, suivant : « Ne logez pas vos femmes dans des demeures élevées et ne leur enseignez pas l’écriture ». Bien heureusement, ce type de propos est plus facilement rangé, aujourd’hui, au placard des affabulations. Mais quelques relents d’une ségrégation des genres subsistent malheureusement dans la célébration collective du culte, comme par exemple le confinement des femmes dans les mosquées, l’exigüité parfois extrême de leurs salle de prière, même dans des projets de nouvelles mosquées. Sans parler la difficulté de prise de parole ou de responsabilités des femmes dans l’espace collectif intra-musulman.
Dans une telle situation, la simple revendication de collaboration effective dans la prise de décision pour la gestion ou l’animation d’une association ou d’un lieu de culte pourra paraître, effectivement, comme insolent. Mais c’est aux femmes musulmanes maintenant de cesser de parler par procuration à travers les voix masculines ; il leur appartient de déconstruire les stéréotypes de genre dans l’intra-communautaire comme au sein de la société. Les instruments de leur libération sont entre leurs mains, à elles de jouer.
