La Plume 2012-2014

Vers une détermination scientifique du ramadan ?

Article paru dans La Plume de l’est de juillet-août 2012, Sommes-nous encore des lecteurs ?

Comme chaque année, le mois de ramadan vient avec son lot de festivités et d’ascèse spirituelle, de réunions familiales et de soirées entre amis arrosées de thé à la menthe. De quoi entretenir la joie et la bonne humeur, à condition de ne pas tomber dans les excès en matière d’alimentation, car les musulmans entrent désormais dans une phase d’environ 17 heures d’abstinence quotidienne de nourriture pour les prochaines années. Un aspect problématique demeure, quant à lui, à l’ordre du jour ; il s’agit de la divergence continue entre théologiens, pays et associations musulmanes pour la détermination du début et de la fin du ramadan. En la matière, les fidèles de l’islam ont parfois de quoi être désorientés, notamment quant ils assistent à des polémiques incessantes où les considérations politiques l’emportent bien souvent sur les principes théologiques, voire même tout simplement du bon sens. Pour rappel, les musulmans suivent le calendrier lunaire, qui est d’une durée de 29 ou 30 jours. Aujourd’hui, aucun musulman ne se soucie durant l’année de la façon dont sont déterminés les mois, les données astronomiques faisant foi. Mais pour déterminer le début du ramadan, chacun s’en réfère au fameux propos attribué à Muhammad, paix sur lui, « Jeunez lorsque vous verrez le croissant [de la nouvelle lune] et rompez votre jeûne [pour la fête de rupture] lorsque vous verrez le croissant [annonçant le nouveau mois]. Si le ciel vous est voilé, alors calculez en [le nombre de jours]. » Un propos très simple à comprendre, dans un contexte sociétal où les gens ne disposaient pas d’instruments précis et fiables leur permettant de déterminer de manière exacte le jour de début et de fin du mois sacré. Les sociétés évoluant, et l’islam s’étendant géographiquement au cours du Moyen-Âge, les théologiens musulmans ont adopté différentes positions pour la détermination de la nouvelle annonçant le mois de ramadan, depuis la vision attestée dans un seul endroit de terre jusqu’au calcul scientifique, en passant par l’attestation visuelle dans chaque pays. Aujourd’hui, le problème devrait être résolu puisque l’évolution scientifique, notamment de l’astronomie, permet de déterminer avec une précision inégalée les dates de naissance des nouvelles lunes pour la fixation du calendrier lunaire. Malgré cela, on continue à voir une majorité de théologiens musulmans s’attachant, tels de véritables bigots de l’islam, à des pratiques d’un anachronisme flagrant, autorités saoudiennes en tête. Pourtant, sur les cinquante dernières années, les autorités religieuses de pays du Golfe se sont trompées à de nombreuses reprises dans la détermination du jour du début et/ou de fin du ramadan. Rien qu’en 2011, l’annonce par les autorités saoudiennes de leur erreur – la fin du ramadan avait été annoncée avec un jour d’avance – avait provoqué un tollé, celles-ci s’engageant à payer une expiation – kaffâra – équivalente au jour non jeûné pour l’ensemble des saoudiens. Un survol des sites et blogs musulmans sur la question suffit à comprendre que le sujet est extrêmement sensible, tant l’approche littéraliste des textes de l’islam prédomine dans les débats. A ce propos, pour privilégier la vue du croissant lunaire sur le calcul scientifique, les théologiens en questions n’ont aucune vergogne à ce basé sur des critiques des calculs astronomiques datant du… 13e siècle ! Si le ridicule ne tue plus, il a tout de même ses limites, et on ne voit aucun musulman se promener aujourd’hui avec un bout de bâton pour savoir si l’heure de la prière du midi ou de l’après-midi est effective, le calendrier lui suffira. Sur ce sujet comme sur bien d’autres relatifs à l’islam, il ne faut donc pas mâcher ses mots, car les bonnes intentions des fidèles sont purement et simplement sacrifiées sur l’autel de considérations politiques au nom desquelles des Etats veulent s’arroger le leadership religieux. L’UOIF a au moins le mérite d’avoir mis les pieds dans le plat en organisant à Paris, les 04 et 05 février 2012, un colloque intitulé Le calendrier musulman à la lumière des données astronomiques. C’est le type de rencontres, associant théologiens et spécialistes dans les différents domaines de sciences, qu’il est urgent de développer face à la suprématie d’un discours religieux fondé sur une vision anachronique du monde et de la société. L’objectif final est d’aboutir à l’élaboration d’un calendrier lunaire unifié, pluriannuel, incluant les dates de début et de fin du mois de ramadan.

On trouvera ci-dessous les principales conclusions du colloque :

1) « […] Le Saint Coran, parlant du mois de jeûne, a utilisé le terme « chahida » signifiant littéralement celui qui aperçoit le mois, ce qui présuppose l’idée de présence, de connaissance et de constat, c’est-à-dire que celui qui est présent lors de ce constat et qui dispose d’une connaissance avérée de l’avènement du mois du Ramadan, est tenu d’observer le jeûne s’il n’a pas de raison qui l’en dispense. Quant aux hadiths prophétiques [...] ils mettent en évidence l’importance accordée aux moyens les plus accessibles à l’époque pour affirmer avec certitude l’avènement du mois et ne signifient nullement le refus et le rejet du recours aux calculs scientifiques de l’astronomie qui permettent de scruter la lune et ses mouvements avec une infinie précision au dixième ou au centième près de la seconde. [...] Par ailleurs, si le début et la fin du Ramadan se confirment par la vision oculaire ou le parachèvement, le début de la journée et sa fin sont établis et confirmés sur la base de calculs astronomiques purs. Il en est de même pour les horaires de toutes les prières obligatoires qui constituent un pilier fondamental de l’islam : ils sont établis à partir de calculs astronomiques faisant objet d’un consensus de tous les musulmans aujourd’hui qui ne songent pas un moment à aller vérifier cela par la vision oculaire ou le suivi du soleil. Il est notoirement acquis dans notre jurisprudence que les moyens peuvent changer selon les époques mais que les finalités et les visées ainsi que les règles fondamentales restent immuables. C’est d’ailleurs dans ce sens qu’il faudrait comprendre les hadiths prophétiques décrivant la communauté musulmane en étant une Oumma qui n’écrit pas et ne calcule pas, [...] il ne s’agit en aucun cas de dire que cette communauté doit rester indéfiniment analphabète. [...] »

2) « Ce que l’on observe aujourd’hui comme divergences considérables dans l’une des pratiques cultuelles majeurs qu’est le jeûne – dont l’étendue dépasse les trois jours – ne saurait désormais plus être acceptable vu que cela ne reflète plus l’image valorisante d’une communauté de fidèles dont la religion (le Livre et la Sounna) n’a eu de cesse d’ancrer en eux l’unicité du choix et de la décision, après l’Unicité de Dieu. [...] »

3) […] La décision prise par le Conseil Européen de la Fatwa et des Recherches (CEFR) lors de sa 19ème session qui s’est déroulée du [...] 30 juin au 4 juillet 2009 à Istanbul, au sujet de la détermination du début des mois lunaires, est une décision valable et acceptable d’un point de vue jurisprudentiel. […] Les savants en astronomie ont salué cette décision du CEFR qui s’appuie désormais sur les calculs astronomiques en l’adoptant comme base méthodologique dans la détermination du début des mois, […] décision considérée comme un pas historique important dans la voie de la publication prochaine d’un calendrier Hégirien unique [...].

4) « Un appel particulier est lancé en faveur d’une activation de la mise en pratique de la décision qui vient d’être prise par le CEFR afin de concrétiser les finalités majeures sous-tendues par la détermination des mois lunaires et la fixation de leurs dates ; à savoir la régulation de la vie du musulman selon des points de repère temporels et cultuels partiels. [...] »

5) « LE CEFR invite à une coopération tripartite avec l’Union Mondiale de Savants Musulmans, et l’Union des Organisations Islamiques en Europe, dans le but d’établir un calendrier hégirien unique et global, avec le concours des savants en jurisprudence et en astronomie et de tous les gens compétents en la matière, [...] pour aboutir à un calendrier unifié [...]. »

6) « Un appel à constituer une commission permanente de ce calendrier unique et global, et qui doit regrouper parmi ses membres à la fois des savants religieux, des astronomes et des experts en la matière, ainsi que des représentants de l’Union Mondiale de Savants Musulmans, et de l’Union de Organisations Islamiques actives dans les différents Etats. »

7) « [...]Les membres du colloque ont exhorté également les imams des mosquées ainsi que les responsables des centres islamiques, à sensibiliser les musulmans d’Europe à l’importance de l’unité, et à la légitimité de s’appuyer sur les calculs astronomiques et au fait qu’ils ne s’opposent ni ne contredisent en aucun cas les textes religieux et juridiques. »

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