La Plume 2012-2014

Le vote est un reflet de l’engagement dans la cité

Tribune publiée dans La Plume de l’Est d’avril 2012, Islam, un enjeu politique ?

Voter n’est pas un acte anodin ; il reflète un choix, et pour choisir il faut s’inscrire dans une réalité concrète, celle de l’endroit où l’on vit. C’est ce que le musulman tente d’accomplir en faisant la jonction entre spiritualité et vie sociale. Pour le musulman, la foi se concrétise par des valeurs qu’il essaie de mettre en pratique au quotidien et de faire partager à son environnement immédiat. A ce sujet, il est important de souligner que la foi musulmane n’est pas constitutive d’une volonté de séparation avec la société ou le lieu de vie. En effet, le texte coranique s’adresse à la fois aux individus et aux communautés de foi, dans leur globalité, sans considérer les différences de culture ou de religion comme des antagonismes empêchant fondamentalement le vivre-ensemble. Le Coran interroge nous interpelle sur le sens de notre rapport à Dieu et au monde, en nous ouvrant l’espace incommensurable de Sa miséricorde. Quant à la vie sociale et à l’interaction entre les individus et les groupes, il affirme de manière claire le principe suivant : « [...] et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entreconnaissiez. » (Coran 49/13). L’inter-connaissance est plus que le simple fait de connaître l’autre, elle implique de le côtoyer pour construire sans cesse quelque chose de nouveau. C’est ainsi que naissent de nouvelles langues, de nouvelles cultures comme de nouvelles appartenances nationales. Pour donner un exemple concret, on constate que chaque Prophète cité dans le Coran s’adresse à son environnement immédiat en ces termes « Oh, mon peuple » (yâ qawmî), expression que l’on pourrait traduire dans le langage contemporain par « Oh, mes concitoyens ». Cela signifie non seulement que le Prophète ne rejette pas autrui sur la base d’une appartenance religieuse qui serait différente, mais encore qu’il s’inscrit pleinement dans sa société pour revendiquer deux choses : la liberté de conscience et le droit d’expression publique de la foi. L’histoire de Joseph (Yoûssouf), est assez significative de cet engagement dans la cité puisque le Coran relate, de manière explicite, l’épisode au cours duquel il revendique le poste d’intendant des finances du Seigneur en ces termes : « Confies-moi les dépôts du territoire, je suis très certainement bon gardien et connaisseur » (Coran, 12/55). En traduisant l’attitude de Joseph dans le langage de la « da’wah » (prédication), nous constatons qu’il ne s’est pas limité à la diffusion d’un discours religieux, il a manifesté son engagement par un travail concret au service de sa société. Plus proche de nous, l’histoire de notre noble Prophète Muhammad, paix sur lui, indique qu’il n’a jamais remis en cause de manière brutale ou vindicative la culture ou l’organisation politique de la société arabe de son époque. L’hagiographie prophétique regorge en effet de multiples épisodes au cours desquels Muhammad s’adresse aux notables mecquois en respect de leurs grades et qualités, ou encore cherche alliance et protection auprès de différentes tribus en la forme rhétorique et culturelle accoutumée chez les Arabes. Par la suite, l’histoire de l’islam verra, entre autres, des configurations politiques et culturelles très variées se succéder avec de grands brassages de populations et des alternances de systèmes de gestion des affaires de la cité. Le fait que nous vivions, aujourd’hui, dans une société non musulmane, ne constitue donc pas une situation particulièrement spécifique si nous prenons réellement la peine de bien raisonner sur les valeurs fondamentales prônées par l’islam tout en entrant dans les voies que nos pieux prédécesseurs nous ont tracées. Bien heureusement, la majorité des musulmans français ont compris l’importance de cette inscription dans la société par le vote, entre autres. Il est cependant curieux de voir certains musulmans accepter une sorte de « démission » en l’enrobant d’un discours religieux prônant le rejet de la participation à la société, sous prétexte qu’elle ne reflèterait pas ce que devrait être la « vraie » société musulmane. Ce type d’attitude est assez dangereux dans la mesure où elle renforce l’idée d’un islam exogène qui refuse de prendre part aux affaires de la cité. De plus, c’est une attitude erronée pour deux raisons essentielles : tout d’abord parce que, d’un point de vue religieux, il n’est pas concevable à la lumière des sources de l’islam d’affirmer que le musulman puisse vivre sa citoyenneté uniquement dans une société qui serait dirigée par des musulmans ou composée majoritairement de musulmans. Cela revient purement et simplement à restreindre l’islam à un entre-soi dépouillé de toute la profondeur du message coranique. Ensuite, cette attitude conforte tout à fait les discours extrêmes sur l’identité nationale dont les musulmans devraient exclus. Ainsi, au discours identitaire de pureté et de séparation, véhiculé par certains politiques intellectuels « français » fait écho un discours « musulman » basé également sur l’idée de pureté et de séparation, en prenant prétexte de la différence de la foi pour prôner un entre-soi réducteur. Le Coran, pour le musulman, est une parole divine révélée pour alimenter la foi et l’action des Hommes. Cette action doit nous pousser à nous investir au cœur de la cité, à tous les plans, et le vote possède une dimension symbolique forte que le musulman doit utiliser pour affirmer ses valeurs et ses convictions.

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