Analyse & Recherche

Qu’est-ce qu’un musulman ?

Cet article est tiré d’un chapitre de ma thèse de doctorat, soutenue le 13 décembre 2002.

Il a été publié sur le site oumma.com les 12, 20 et 27 novembre 2007. Cf oumma.com1, oumma.com2, oumma.com3.

Réflexion sur la pluralité théologique et juridique musulmane à partir de la question de l’appartenance à l’islam.

Définir l’ être musulman procède à la fois de la simplicité et de la complexité. Simplicité dans la mesure où l’acception générale de l’attestation de foi, ou chahâdah, – la reconnaissance de l’unicité divine et de Muhammad en qualité d’ultime Prophète – est tout à fait intelligible au commun des gens. Complexité due au fait que, à l’issue de la Révélation coranique et de la disparition du Prophète, les théologiens musulmans ne seront jamais unanimes sur la définition du musulman, ni sur le statut du croyant ayant prononcé la chahâdah sans accomplir les actes du culte. La question de la définition de l’appartenance religieuse s’est donc posée aux théologiens musulmans dès les débuts de l’expansion islamique. A la base, si c’est bien à partir d’un nombre circonscrit de versets coraniques et de hadiths que seront définis les contenus de l’affiliation à l’islam, c’est dans des contextes socio-économiques et culturels particuliers, et sur fond de polémiques politico-religieuses que se constitueront les principales écoles de théologie musulmane. Complexité également par le fait que la définition des critères et des contenus de l’appartenance à l’islam va avoir des incidences très fortes sur les rapports que les musulmans ont historiquement entretenus et entretiennent encore entre eux, dans leurs différentes sensibilités théologiques, juridiques ou idéologiques, avec des périodes de polémiques et de conflits parfois assez violents, qui tendent à resurgir aujourd’hui sous certaines formes particulières dans le contexte européen, suivant en cela l’évolution problématique des pays d’islam.

A travers une immersion succincte dans les premiers siècles de l’islam, nous proposons de mettre en évidence les principales dimensions des débats théologiques islamiques qui ont largement été conditionnés par les univers politiques, économiques et culturels des grands foyers civilisationnels de l’Empire musulman. Cet éclairage historique nous aide à comprendre les dessous des polémiques actuelles sur l’identité musulmane dans le monde contemporain, qui voient musulmans de sensibilités et de courants idéologiques divers s’affronter sur la scène publique dans une surenchère à propos de l’ « islam vrai » ou du « vrai musulman ».

Les trois éléments clefs de l’appartenance à l’islam

Dans la théologie musulmane, il n’existe pas de définition unique de l’appartenance religieuse.  Pour répondre à la question du « qui est musulman ? », les principales écoles théologiques[1] ont chacune développé une approche originale de la question.  Dans le débat, trois critères fondamentaux ont fait l’objet d’une argumentation polémiste autour de l’expression de la foi, ce sont :

-       l’adhésion intérieure aux dogmes fondamentaux de la croyance et de la pratique cultuelle (tasdîq al qalb);

-       l’expression verbale, consistant en une formule précise que le croyant prononce pour manifester sa foi (taqrîr al-lisân) ;

-       l’accomplissement des actes cultuels prescrits (at-tatbîq bil-‘amal).

Au plan historique, la plupart des positions théologiques prennent leur source dans les deux premiers siècles de l’islam, période de vaste extension de l’aire musulmane. Outre l’évolution politique de l’Empire, qui verra les non-arabes supplanter définitivement les dirigeants issus de la péninsule arabique, c’est également la période de classification des textes relatifs aux dire et propos du Prophète, communément appelés hadiths[2], et de la formation des principales écoles de droit musulman (madhâhib).

D’un point de vue sociologique, un élément nous intéresse particulièrement : dès les premiers temps de l’expansion territoriale de l’islam, les contextes politiques et sociaux des régions conquises vont influencer nettement la façon dont les théologiens traiteront la question de l’adhésion à l’islam. Les données de la foi, mentionnées de façon éparse dans les textes canoniques, étaient vécues dans un rapport d’immédiateté par les membres de la communauté primitive. C’est par la suite qu’elles vont être formalisées par les partisans d’une conception « inclusive » ou « exclusive » de l’appartenance, chacun s’efforçant de procéder à une codification présentant ce qu’il pense représenter comme étant « La » bonne lecture des textes. L’impact culturel des régions conquises se manifestera aussi bien dans l’élaboration des fondements du droit musulman que dans la réflexion théologique. De même, le contact quotidien avec les non-musulmans, dans les régions périphériques de l’Empire, va influencer nettement la façon même de se penser comme musulman, de sélectionner et d’articuler les éléments fondamentaux du dogme avec le contexte sociétal. Une recherche historique approfondie nous donnerait des éclairages intéressants sur la façon dont la norme religieuse a pu s’élaborer et évoluer au cours du temps, ainsi que le regard porté sur les comportements considérés comme hétérodoxes. Pour ne pas investir un champ qui dépasserait de loin cette contribution, nous nous en tiendrons ici à une présentation d’ordre général.

La « Grande discorde » et l’émergence des principaux groupes musulmans

Quelques moments ont été décisifs dans l’émergence de définitions légales des contenus de la croyance et de l’appartenance à l’islam. Le premier est lié aux querelles politiques surgies lors du califat de ‘Ali ibn abî Tâlib, cousin et gendre de Muhammad, dont la légitimité sera remise en cause par une partie des musulmans. Successeur de ‘Othmâne ibn ‘Affâne, troisième des quatre califes « bien guidés[3] » (al khoulafâ’ ar-râchidoun), mort assassiné par un groupe de contestataires de sa politique, l’accès au pouvoir de ‘Ali ne se fera pas sans remous ni contestations, lesquels aboutiront à deux conflits majeurs (harb al-jamal wa harb çiffîn), communément appelés la Grande discorde (al fitnah al Koubrah) et opposant les convertis de la première heure. Pour mettre fin à la polémique relative au choix de ‘Ali et à la suspicion quant à son implication dans l’assassinat de son prédécesseur Mou’awiyya, son principal adversaire, lui proposera une trêve devant conduire à l’élection d’un calife unique à la tête de l’Empire naissant. A l’issue des consultations organisées par des émissaires choisis d’un commun accord par les deux parties, c’est Mou’awiyya qui accède au pouvoir en qualité de calife des musulmans.

La question centrale qui anime les protagonistes de l’affaire, à l’époque, tourne autour de la « légitimité », à savoir : qui possède les qualités morales et religieuses requises pour guider la communauté des croyants ? Contrairement à l’affirmation de certains auteurs, les premières polémiques théologiques en islam n’ont pas en effet été centrées sur la question de la prédestination et du libre-arbitre, mais bien sur la légitimité et l’appartenance, liées en cela aux problèmes politiques  de l’époque. Les partisans des deux tendances à l’origine du conflit vont alors argumenter leurs choix en adoptant des lectures divergentes du texte sacré. Notons ici que le texte coranique, fixé verbalement et consigné sur divers supports du vivant de Muhammad, fera l’objet de deux recensions, la première à l’époque d’Abou Bakr, et la seconde lors du califat de ‘Othmâne. Le corpus révélé, symbole de l’unité d’une communauté naissante deviendra, à partir de cette première dissension, le support des divergences doctrinales.

Le premier courant qui se distingue, et qui dominera largement ses adversaires, s’en tient à une interprétation littérale du texte coranique évoquant le principe de consultation (choûrâ), en référence aux deux passages coraniques (III, 159 et XLII, 38) dont le second se trouve dans la sourate portant le titre « La consultation ». Les modalités de cette consultation ne sont définies ni dans le Coran, ni dans les hadiths. Le flou régnant autour de l’organisation politique et des modes de gestion de la vie sociale donnera d’ailleurs lieu, au plan historique, à plusieurs modèles étatiques, dont la plupart mettront en œuvre une gestion « séculière » du pouvoir et des affaires publiques. Dans tous les cas, et dans l’optique de ce premier groupe, la consultation doit aboutir à un choix majoritaire non révocable. Ils prendront le nom de sunnites, manifestant par là leur attachement à la Sounnah du Prophète qui, dans l’acception équivalente au hadith, comprend l’ensemble de ses propos, actes, approbations, ainsi que son attitude dans la vie quotidienne. Le second groupe, englobant les partisans de ‘Ali développera, à l’issue de sa défaite politique, l’idée selon laquelle le pouvoir doit se transmettre au sein de la famille prophétique (Ahl al bayt), en vertu de la place privilégiée qu’elle occupe dans la communauté islamique. Ils prendront le qualificatif de « partisans de ‘Ali », traduction littérale de l’expression arabe shî’at ‘Alî, d’où provient directement les termes chiisme et chiites, signifiant littéralement « ceux qui ont pris le parti de ‘Alî ». A l’origine issu de cette dissension politique, c’est par la suite que le chiisme se constituera en doctrine théologique autonome, donnant naissance au plus important groupe musulman après les sunnites.

Un troisième groupe, à l’origine en faveur de ‘Ali, se détachera de celui-ci après sa défaite consécutive à l’acceptation de la trêve, et adoptera une attitude radicale à son égard, tout comme envers le reste des musulmans. Confinés dans une lecture extrême du texte coranique, ils accusent ‘Ali de s’être soustrait au jugement divin en acceptant l’arbitrage subjectif des hommes. Lors de la trêve, ils étaient persuadés de l’issue favorable à ‘Ali qu’ils soutenaient fermement, mais ils le renieront par la suite et se retireront dans l’est irakien. Nommés kharidjites (de l’arabe al khawâridj, littéralement : ceux qui sont sortis de la communauté, qui ont fait scission) par les autres musulmans, ils se tourneront rapidement vers la violence armée et, confrontés à une répression très violente de la part des califes omeyyades, ils mèneront une guérilla sans relâche dont seul l’avènement abbasside viendra à bout.

Il est difficile de présenter une vue détaillée de la doctrine kharidjite et de ses partisans, car ils ont formé un ensemble de groupes qui n’auront jamais d’unité politique, militaire ou théologique réelle. Très fortement empreints de martyrologie, à l’instar du chiisme naissant, les kharidjites se rejoignent sur quelques points fondamentaux, notamment sur les conditions de légitimité du calife. Prônant une égalité stricte des croyants, sans une quelconque distinction, ils considéraient que tout musulman dont la pratique religieuse et la moralité sont irréprochables pouvait prétendre au poste suprême. On comprendra combien cette affirmation de l’égalité des croyants devant la loi, au-delà de leurs origines, suscitera l’enthousiasme des nouveaux convertis non-arabes, dont certains rejoindront leurs rangs. Parallèlement, les kharidjites prônaient cependant l’idée que le calife ayant commis une faute par rapport à la norme religieuse soit destitué sur le champ. Cette attitude, qu’ils porteront à son paroxysme, est symptomatique de leur posture extrême dans la lecture du Coran. Cela les conduira d’ailleurs à l’intolérance pour laquelle ils seront combattus, et par laquelle ils excommuniaient l’immense majorité des croyants, allant même jusqu’à destituer leurs propres chefs. Concernant l’appartenance religieuse, les kharidjites considèrent la foi comme un ensemble immuable qui n’est pas sujet à la variation. La foi s’acquiert et se perd globalement en fonction des actes d’obéissance ou de désobéissance accomplis. Le croyant s’étant rendu coupable d’un péché capital est alors excommunié, car ses actes de désobéissance l’ont conduit à renier sa foi.

La volonté d’unification de la Oummah (communauté des croyants), par la diffusion d’une vulgate unique (ar-rasm al-‘Outhmânî) dans toutes les contrées conquises, n’aura donc pas résisté aux premières dissensions issues de la « Grande discorde », laquelle donnera naissance à une multiplicité de groupes, chacun utilisant le texte coranique et les hadiths comme base d’argumentation pour affirmer sa prééminence sur ses concurrents, ou détracteurs. Du politique au théologique la barrière sera rapidement franchie, faisant du texte sacré la source d’où se diffusera une pluralité de représentations théologiques de l’unicité divine, de la conception du « chef » de la communauté des croyants, ainsi que des éléments constitutifs de la foi et du culte. Même chez les sunnites, représentant désormais la grande majorité des musulmans à l’échelle du globe l’allégeance au calife, en tant que garant de l’unicité de la communauté, masquera à peine les dissensions politiques récurrentes et l’absence d’un leader charismatique faisant l’unanimité. Pluralité des visions du politique, pluralité des approches théologiques… Ainsi, derrière l’affirmation de l’unicité divine se profileront cinq grandes doctrines théologiques dans le monde sunnite, à savoir le murdjisme, le mu’tazilisme, l’ash’arisme, le mâtûridisme et le hanbalisme. Les trois dernières s’imposeront historiquement dans des aires culturelles différentes, en lien avec des écoles juridiques prédominantes dans ces territoires. C’est ainsi que l’ash’arisme est associé à l’école juridique chaféite, le mâtûridisme à l’école hanafite, qui dominera l’ensemble du monde musulman non arabe, et l’école de théologie hanbalite est associé à l’école juridique portant le même nom. Une étude approfondie de l’émergence et du développement de ces écoles de théologie mettrait très certainement en évidence la relation dialectique entre les contextes les élaborations théologiques. Nous en donnons ci-dessous un aperçu très rapide.

De la multiplicité des groupes à la pluralité doctrinale musulmane

A la suite de la grande discorde, un second moment, correspondant à la deuxième moitié de l’Empire omeyyade et au début de l’époque abbasside, va ainsi voir plusieurs facteurs contribuer à ce pluralisme doctrinal. Le premier facteur est d’ordre politique. Il est lié aux grandes vagues de contestation de la politique ségrégationniste pratiquée par le régime omeyyade. Ce dernier, en effet, installant à la tête de chaque région conquise un gouverneur « arabe », s’attirait la colère des populations non-arabes nouvellement converties, à l’encontre desquelles il continuait à exiger le versement de la jiziya, capitation imposée aux non-musulmans afin qu’ils bénéficient de la protection de l’Etat. Cette volonté de suprématie de l’arabité, en tant que facteur de domination, rapportée à l’origine arabe du Prophète, et à la filiation qu’ont voulu entretenir avec lui les représentants du pouvoir, sera largement combattue et contribuera à la chute du pouvoir omeyyade. Les historiens musulmans relatent que plusieurs théologiens de renom, dont Abou Hanifa lui-même, prendront la défense des populations stigmatisées en dénonçant le caractère injuste de l’oppression des gouverneurs omeyyades. On peut citer ici le cas des mawâlî, ces esclaves affranchis dont certains, à l’instar de Hasân al Basrî, deviendront des personnages très connus, bien qu’ayant souvent eu à subir le joug du pouvoir omeyyade pour leur qualité de « convertis » ou d’esclaves affranchis. Parallèlement, Abou Hanifa développera une argumentation spécifique pour appuyer le fait que tout musulman prononçant l’attestation de foi possède la « plénitude de la foi » (Îmân kâmil), il ne peut donc être considéré comme un demi-croyant ou être soumis à une ségrégation particulière du fait de sa qualité de converti. De même, il n’est pas possible de présupposer de l’appartenance à l’islam ou du degré de foi d’une personne en fonction de son assiduité cultuelle, dans la mesure où les actes ne font pas partie intégrante de la définition de la foi chez Abou Hanifa. Au plan pratique, les juristes musulmans mentionnent quelques ouvertures intéressantes du hanafisme primitif vers les populations nouvellement islamisées, notamment un point qui suscite encore des polémiques chez les juristes musulmans contemporains, à savoir la possibilité pour une personne non arabophone convertie à l’islam de commencer à célébrer la prière canonique dans sa langue d’origine. Cette ouverture, à notre avis, n’est certainement pas étrangère au fait que le Hanafisme s’est historiquement répandu dans la majorité des contrées non arabophones de l’Empire musulman. L’aire géographique englobant les régions du sud de l’ex-Union soviétique et l’Afghanistan actuelle (Transoxiane) donnera d’ailleurs naissance à toute une littérature hanafite spécifique. C’est également le cas des régions musulmanes de l’Asie du Sud-Est. Aussi, il convient de mentionner que c’est en partie à partir de la position théologique de l’imam Abou Hanifa relative à la définition de la foi que se développera ultérieurement l’école théologique murdjite qui, pour résumer rapidement, portera à son paroxysme la notion d’invariabilité de la foi pour laquelle elle sera récusée par les autres écoles théologiques musulmane.

Cela nous amène directement au second facteur, d’ordre culturel, et inhérent à l’extension géographique considérable de l’Empire. En moins d’un siècle, l’islam aura conquis des contrées s’étendant des portes de la Chine à celles de l’Espagne. Sur un territoire aussi vaste, il est impensable que l’on puisse opérer une lecture unique des textes ou uniformiser les pratiques culturelles des croyants à travers un prisme théologique unique. Les docteurs de la loi, et plus précisément les principologistes (Ouçoûliyyoun) vont en partie résoudre le problème en intégrant l’ « usage », ou coutume (al ‘urf), comme élément constitutif du droit musulman, ainsi que, dans une moindre mesure, ce qu’ils nomment « la loi des peuples monothéistes » (char’ man qablanâ). Théoriquement cela signifie, d’une part, que les coutumes des gens, dans le sens de ce qu’ils reconnaissent comme bon et mettent en pratique, est corroboré par le législateur musulman tant qu’il n’entre pas en contradiction avec les préceptes fondamentaux de l’islam. D’autre part, il inclut également, au moins en théorie, comme source de législation les éléments de la loi des gens du Livre, principalement mosaïque, en l’absence d’abrogation dans le texte coranique. Là encore, ce qui est couramment présenté aujourd’hui comme une approche théologique ou juridique pure, c’est-à-dire extraite du corpus religieux, ne peut pas être isolé historiquement des enjeux de société mentionnés précédemment.

Toujours sur le terrain culturel, les polémiques théologiques qui se développeront au cours du second siècle de l’Empire, et qui donneront naissance à la scolastique musulmane (‘ilm al kalâm) nous donnent de précieux renseignements sur l’intégration d’outils exogènes dans la réflexion théologique musulmane. En effet, succédant au règne omeyyade, l’avènement abbasside dans la seconde moitié du VIIIè siècle verra se développer le contact des théologiens musulmans avec les théologiens chrétiens et les zanâdiqa (pluriel de zindiq), partisans d’une doctrine alors répandue en Mésopotamie professant l’éternité de l’univers et la négation de la résurrection et de l’unicité de Dieu. Souvent polémiques, et centrés autour des éléments constitutifs de la foi, ces rencontres vont conduire les théologiens musulmans à devoir justifier la pertinence du credo islamique – le terme de ‘aqîdah, absent du texte coranique, s’imposera alors pour désigner ce credo – dans un contexte tout à fait différent de celui qui prévalait dans la péninsule arabique. Ils étaient cette fois-ci confrontés à des populations aux croyances très diverses, dans des régions où la langue arabe n’était plus forcément le vecteur principal de la diffusion intellectuelle, et dans une civilisation beaucoup plus évoluée, d’un point de vue intellectuel et philosophique, que la société de la péninsule arabique. On peut citer au moins trois éléments qui conditionneront désormais la démarche discursive des théologiens musulmans et leur réflexion sur les données de la foi, ce sont :

-       la réflexion intellectuelle sur l’énoncé du dogme ;

-       l’introduction de termes philosophiques dans l’exposition des articles de la foi ;

-       le raisonnement spéculatif inspiré par la pensée greco-romaine.

C’est à l’aune de ces éléments extérieurs à l’aire culturelle des premiers musulmans et de contextes sociétaux allant en se complexifiant qu’il faut comprendre les polémiques théologiques qui n’auront de cesse de se développer dans l’Empire musulman. En s’imprégnant des éléments littéraires et philosophiques gréco-romains, les théologiens vont élaborer un corpus dogmatique (doxa), sous forme de réponses,  le plus souvent dirigées vers les doctrines jugées hétérodoxes ou erronées (‘aqâid fâsidah wa bâtilah). D’un autre côté, la définition des contenus du credo devait être suffisamment souple pour laisser une possibilité à la coexistence, et aux relations entre les musulmans et les populations des territoires conquis, où les adeptes de la nouvelle religion étaient, dans bien des cas, minoritaires même s’ils détenaient le pouvoir politique. Cette souplesse exégétique ne sera pourtant pas toujours l’apanage des théologiens musulmans. C’est le cas notamment des approches théologiques mu’tazilites, considérées à tort comme l’expression d’une approche très libérale du corpus coranique. Celles-ci vont toutefois exploiter largement cet héritage gréco-romain dans une réflexion très rationnelle sur la définition de Dieu, de l’au-delà, du croyant et du rapport entre la foi et les actes cultuels prescrits. Dans son combat contre un murdjisme jugé par trop laxiste, la rationalité mu’tazilite n’aura d’équivalent que son intransigeance vis-à-vis du musulman « pécheur » [4] (fâsiq), et l’appui de certains sultans abbassides lui conférera, au courant du 9ème siècle, pendant une trentaine d’années un pouvoir de coercition qui se soldera par une poursuite des théologiens refusant de professer la doctrine affirmant le caractère « créé » du Coran. L’épisode le plus connu à ce sujet est celui de l’emprisonnement de l’imam Ahmed ibn Hanbal, dont le nom donnera naissance au hanbalisme juridique et théologique susmentionné. Le point important à retenir en tout cas ici est que les écoles théologiques ultérieures, comme l’ash’arisme ou le mâtûridisme, ne remettront plus en cause cette évolution dans la réflexion sur le donné de la foi.

Pour résumer de façon rapide la multiplicité des approches théologiques musulmanes, disons qu’au plan historique ces acquis donneront naissance à deux positionnements théologiques majeurs, dont nous ne détaillerons ici que les aspects relatifs aux « conditions » d’appartenance à l’islam. Le premier, à caractère « exclusif », considère que les œuvres sont constitutives de la foi. En ce sens, il n’est pas concevable qu’un individu ayant prononcé la profession de foi, mais ne la traduisant pas en actes cultuels puisse posséder ou conserver le qualificatif de musulman, car il a renié sa foi par ses actes. Aussi, il est du devoir de Dieu de punir tout individu ayant commis un « grand » péché (kabîrah). Dans sa version la plus rigoriste, cette lecture sera promue par l’école théologique mu’tazilite, mentionnée ci-dessus, laquelle octroie un statut « excommuniant » particulier à l’encontre du musulman pécheur. Cette école connaîtra pendant quelques décennies un certain succès pour son « rationalisme » poussé à l’extrême, dont certains intellectuels font aujourd’hui l’apanage en faisant fi de l’ostracisme extrême, pour ne pas dire extrémiste que les mu’tazilites ont manifesté à l’encontre de leurs détracteurs. Les docteurs de la loi hanbalites se rangeront également à cette position incluant les œuvres dans la définition de la foi, en adoptant pour leur part une démarche complètement inverse des premiers, puisqu’ils seront les promoteurs d’une lecture littérale des textes, dépouillée de toute tentative d’extrapolation.

Il existe cependant une nuance de taille entre ces deux écoles puisque les docteurs hanbalites de renom, tel ibn Taymiyyah ou son principal élève, ibn Qayym al Jaouziyyah, s’abstiennent cependant d’excommunier le musulman pécheur dès lors qu’il ne remet pas en cause la validité des obligations canoniques. L’autre lecture, au caractère beaucoup plus « inclusif », n’intègre pas les actes dans la définition de la foi. Certes, le croyant pécheur est susceptible d’être exposé au courroux divin, mais aucun manquement aux devoirs prescrits n’expose automatiquement le croyant au châtiment, et il ne peut y avoir de péché excommunicateur tant que l’individu ne renie pas les piliers fondamentaux du credo islamique, même s’il ne les pratique pas. Cette position doctrinale se répandra principalement, avec quelques variantes qui n’ont pas lieu d’être mentionnées ici, au sein des écoles théologiques ash’arite et mâturîdite. La première sera adoptée par une majorité de docteurs de la loi chafé’ites. Quant à la seconde, elle sera propagée aux confins de l’Empire par les juristes hanafites. Ces deux approches s’étendront à la majorité du monde musulman.

Pour complexifier un tant soit peu notre propos, citons également deux autres points sur les théologiens. Tout d’abord, il est important de rappeler que les théologiens musulmans ont pris la peine de distinguer les groupes professant une théologie partiellement inexacte (’aqîdah fâsidah) des groupes professant une théologie totalement révoquée (‘aqîdah bâtilah). Nombre de musulmans aujourd’hui, qui n’ont aucune maîtrise ni de l’histoire de la théologie musulmane ni des subtilités des polémiques théologiques, se posent alors en théologiens improvisés, voire autoproclamés, citant ici et là des avis théologiques pour stigmatiser et, malheureusement, pour excommunier de façon très expéditive leurs coreligionnaires qui ont des avis doctrinaux divergents des leurs. Le second point à mentionner est que les théologiens musulmans, dans les polémiques les opposant aux groupes se revendiquant de l’islam tout en professant des doctrines jugées hétérodoxes, ont très tôt pris le soin de distinguer les jugements portant sur les affirmations doctrinales de ces groupes, de ceux relevant d’une appréciation de propos ou d’actes singuliers. Il est donc courant de trouver, dans la littérature théologique musulmane, des propos parfois très polémiques et virulents de théologiens à l’encontre de certains groupes considérés comme sectaires et, dans le même temps, des réponses très souples et prudentes sur la manière de considérer tel adepte d’un groupe jugé sectaire. Dans ce deuxième cas, les théologiens ont généralement eu le souci de préserver l’intégrité physique et l’identité sociale de ces musulmans, en entourant les jugements à porter sur un musulman « déviant » de précautions rendant l’excommunication assez difficile, sauf dans le cas où un individu, par ses propos publics ou son comportement vis-à-vis des autres musulmans, remettait en cause la stabilité de l’ordre social.

Du paradigme théologico-juridique à l’idéal-type du « bon musulman »

Le caractère inclusif ou exclusif des doctrines théologiques musulmanes nous renvoie à la notion contemporaine de « paradigme », que l’on définira ici de façon très simple comme un ensemble de postulats façonnant des schémas de pensée. A ce niveau, il existe bien des schémas de pensée, ou des modèles généraux fonctionnant comme des postulats non démontrables, chez les spécialistes des différentes disciplines islamiques. Même s’ils ne sont pas toujours aisément repérables, ces postulats ont historiquement contribué à forger des corpus théologiques et juridiques dotés d’une réelle cohérence interne et ayant entrenu une relation dialectique permanente avec les contextes de leur production. Le problème de nombreux musulmans, aujourd’hui, est qu’ils ne fournissent pas un minimum d’efforts pour comprendre ces subtilités ni, avec modestie et humilité, pour reconnaître l’importance du contexte sur la production d’une pensée adaptée aux enjeux d’une époque donnée, afin notamment de ne pas tomber dans un mimétisme aveugle des anciens. Ils demeurent plutôt dans un registre discursif précaire consistant à opposer « Une » vérité théologique, puis « Une » vérité juridique, celles à laquelle ils décident d’adhérer, sur un plan généralement plus affectif que rationnel, aux théologies et avis juridiques récusés, lesquels n’ont bien souvent d’hérétique que ce qu’en disent des « savants » intronisés. La connaissance de ces schémas de pensée globaux est pourtant cruciale pour comprendre quels liens entretient, en islam, le théologique avec le juridique. Il nous permet également de saisir en quoi la dimension métaphysique, et plus particulièrement le rapport aux attributs divins, influence la production canonique et l’élaboration de la norme chez les savants. Ou bien encore comment des contextes politiques, économiques, culturels et sociaux influencent la production normative, sur fond de volonté de cohésion ou de conflit. De ce point de vue, la compréhension des sources de la Révélation n’est pas a-temporelle, elle ne se situe pas en dehors de l’histoire, elle est bien le produit d’une idée que l’on se fait de Dieu, de Ses noms et attributs, de la relation de Dieu au monde qu’Il a créé, de la nécessaire coexistence des hommes mais, dans le même temps, de la volonté de prédominance d’une vie fondée sur le respect de la norme révélée. Partant de là, on comprend combien est vaine et illusoire la posture consistant à convoquer « Le » texte pour appuyer une argumentation présentée comme la seule autorisée, ou encore la référence théologique, juridique ou exégétique posée comme « La » bonne lecture du corpus révélé. Ce qui compte, en définitive, n’est pas tant la référence convoquée ou le point de vue adopté que la connaissance des facteurs qui feront qu’à tel moment, le musulman utilisera telle référence ou lecture et pas une autre.

Contrairement à ce que d’aucuns pourraient penser, une telle affirmation ne consiste pas à postuler la nécessité d’un relativisme englobant toutes les sphères de la production de savoirs sur l’islam, ou encore à renier l’unicité de la Révélation ou l’existence d’une orthodoxie musulmane fondée sur des invariants non négociables. Il s’agit plutôt ici de montrer comment la « Vérité » révélée se décline en plusieurs « vérités » théologiques qui s’inscrivent dans des paradigmes homogènes et sont dotés d’une cohérence interne remarquable. Il s’agit également d’affirmer l’importance d’un héritage juridique musulman dont le caractère pluriel se révèle être une richesse incommensurable, à condition toutefois de maîtriser les méandres de leur structuration et d’être capable de mobiliser les références historiques qui puissent éclairer le plus judicieusement nos réalités contemporaines. Pour ce faire, il existe au moins deux niveaux de lecture des textes. Le premier consiste à opérer des choix dans cet héritage pluriel, afin d’y puiser les avis théologiques et juridiques qui offrent les réponses les plus appropriées aux défis que les musulmans doivent relever dans leurs lieux de vie.

Le second niveau, beaucoup plus profond, consiste à comprendre et à analyser l’articulation entre les contextes historiques et la production d’univers symboliques et de normes islamiques, afin non seulement d’interroger ces mécanismes mais surtout de proposer de nouveaux paradigmes et de nouveaux modes de production d’espaces normatifs en phase avec les réalités de l’islam contemporain. Sur ce plan, il faut avouer que la réflexion musulmane demeure assez pauvre pour deux raisons endogènes majeures. La première, symptomatique des frustrations que vivent de nombreux musulmans, consiste à ne penser le présent qu’à travers une projection dans le passé. A ce sujet, il n’est pas rare de voir tel imam, théologien, juriste, prédicateur ou encore Sidi Foulâne (monsieur tout-le-monde) offrir des réponses tranchées aux questions qui leur sont posées en puisant toute leur légitimité de tel savant du Moyen Âge. On pourrait esquisser ici une piste d’interprétation en considérant cette attitude comme une approche pervertie, dans une certaine mesure, du raisonnement analogique (qiyâs) développé par les principologistes musulmans. Nombre de juristes musulmans ont en effet usé de cette méthode déductive consistant à se référer à un cas antérieur pour rendre un avis sur toute question nouvelle. Cependant, les principologistes de plusieurs écoles lui ont adjoint son corollaire indispensable, résidant dans une approche inductive dirigée vers la recherche de l’intérêt général (istihsâne). Si le principe d’analogie sécurise le savant en l’obligeant à se diriger vers la source scripturaire originelle, ce dernier s’est donc cependant forgé des outils méthodologiques lui permettant de répondre aux situations nouvelles pour lesquelles il n’existe pas de texte exploitable. Cela revient, quelque part, à admettre que le texte révélé ne s’est pas prononcé sur toutes les affaires de ce bas-monde. Aujourd’hui, on observe pourtant bien une tendance chez certains musulmans à oblitérer cette approche méthodologique inductive sous prétexte qu’elle constituerait une dérive condamnable (bid’ah). Le seul discours légitime devient alors celui qui surenchérit dans la référence aux anciens savants, ou encore aux pieux prédecesseurs (as-salaf aç-çâlih) qui auraient trouvé l’ensemble des réponses aux questions que se pose la oummah. Encore une fois, le problème n’est pas de savoir si tel savant mobilisé dans le discours est historiquement légitime ou pas, ni même de savoir si sa réponse est pertinente au regard d’une question posée plusieurs siècles après sa mort. Le véritable problème est de savoir pourquoi un musulman contemporain fait le choix de mobiliser ce savant et pas un autre, est-ce qu’il est capable d’expliquer le paradigme dans lequel s’inscrit ce savant, ou au moins d’exposer la cohérence interne de l’approche théologique ou juridique de ce dernier ou, pour descendre encore d’un niveau, d’expliquer au minimum quelle méthode d’extraction des normes ce savant a employé, et où se situe-t-il dans l’école théologique et juridique auxquelles il appartient. La seconde raison de la pauvreté de la réflexion endogène provient, à l’inverse des premiers, des musulmans qui affirment cette fois vouloir apporter de nouvelles lectures des références musulmanes, en introduisant notamment les outils conceptuels des sciences sociales, mais avec la même incapacité à porter un regard critique sur l’héritage théologico-juridique islamique. Au final, le résultat est sensiblement le même au plan de la faible richesse intellectuelle de la réflexion. A notre avis, il n’est pas possible d’aborder aujourd’hui cet héritage théologico-juridique islamique en partant d’un seul prisme méthodologique relevant soit d’une approche théologique classique dépourvue des outils des sciences humaines contemporaines, soit à l’opposé en postulant que seule l’interprétation hsitorico-sociologique pourrait éclairer les lumières d’un islam renouvelé, sans passer par une critique approfondie des outils d’élaboration des interprétations et des normes forgées au cours de l’histoire. La tâche est d’autant moins aisée qu’on trouve encore peu de chercheurs possédant le bagage nécessaire dans les différents domaines de connaissances requis.

Vers une théologie musulmane contemporaine ?

A partir d’une question particulière, « comment définir l’être musulman ? », nous avons pu constater comment, au plan historique, se sont dessinées plusieurs approches théologiques de Dieu et plusieurs outils méthodologiques d’interprétation des textes fondateurs de l’islam. Cette question de la définition du « qui est musulman » et des types de relations intra et intercommunautaires est revenue de façon récurrente tout au long de l’évolution de l’Empire islamique. Aujourd’hui, la situation a complètement changé : l’évolution économique du monde contemporain a projeté quantité de musulmans hors de ce qui était qualifié traditionnellement de « territoire de l’islam », et vice versa. Cela a complètement bouleversé les rapports entre gens de confession différente. De plus en plus, en Occident, les responsables de confessions religieuses se rencontrent et s’interpellent de façon pacifiée, et les musulmans sont questionnés aussi bien sur le contenu de leur foi que sur leur vision de l’ « Autre » et du « vivre-ensemble ». De même, des générations de musulmans voient désormais le jour dans les contrées occidentales où, acculturées, elles projettent un projet de vie qui se détache de plus en plus de la référence au pays d’origine des « ancêtres », qu’elles n’ont parfois jamais connu. Sachant que la majorité des musulmans se trouvant dans l’hexagone et, plus largement, dans les pays occidentaux, n’ont pas une assiduité religieuse soutenue, la définition inclusive ou exclusive de l’appartenance prend alors une tournure nouvelle, et fait partie des enjeux actuels des discours véhiculés au sein de la population musulmane, conditionnant l’image que les diffuseurs des discours se font du devenir de l’islam et des musulmans. Bien entendu, on peut tout à fait relativiser la portée du débat que nous posons en affirmant que, par sa dimension intellectuelle, il demeure en définitive confiné à une sphère restreinte de musulmans, et qu’il n’altère pas fondamentalement le rapport à l’islam du commun des musulmans. Il convient cependant de demeurer prudent et vigilent justement sur les incidences de la médiatisation de certains débats intellectuels auprès du grand public musulman et non musulman. De même, il faut tenir compte de la vitalité de certains groupes prosélytes musulmans qui ravivent au sein des communautés de fidèles des polémiques enfouies depuis le Moyen Age, en stigmatisant l’ensemble de leurs coreligionnaires comme des personnes déviantes ou hérétiques, dès lors qu’elles adhèrent à des approches théologiques différentes de la leur. En définitive, dans leur dialogue tant interne qu’avec le monde environnant, il appartient aux musulmans de considérer la façon dont ils veulent affirmer l’unité de la foi, et par conséquent de la communauté de foi, dans la diversité des approches théologiques du divin.


[1]           Dont trois sont reconnues comme orthodoxes. Ce sont respectivement l’école ash’arite, fondée par Abou al Hassân al Ash’arî (+ en 935), l’école Hanafite-Mâtourîdite, fondée par  al Mâtourîdî (+ en 944), et l’école Hanbalite, qui remonte à Ahmed ibn Hanbal (+ 855). Nous ne nous attarderons pas ici sur le lien étroit qu’ont entretenu ces écoles théologiques avec les écoles de droit musulman ; bien que cela soit très intéressant, ce travail nous mènerait trop loin. Les quatre écoles de droit musulman les plus célèbres sont, quant à elles, l’école hanafite, fondée par l’imam Abou Hanîfa (+ 767), qui s’étend à la quasi totalité du monde musulman non arabe, l’école mâlikite, du nom de son fondateur Malîk ibn Anas (+ en 795), répandue au Maghreb et en Afrique noire, l’école shafé’ite, fondée par l’imam Mohamed ibn Idrîs ash-shâfi’i (+ en 820), l’école Hanbalite, fondée par Ahmed ibn Hanbal, appliquée dans une lecture très fermée en Arabie saoudite.

[2]           Pluriel de hadîth, qui correspond aux paroles, actes, et approbations de Muhammad.

[3]           Ces quatre califes sont, par ordre, Abou Bakr ibn abî Qouhâfa, beau-père de Muhammad, ‘Omar ibn al Khattâb, second beau-père du Prophète, ‘Othmâne ibn ‘Affâne, son gendre, et ‘Alî ibn abî Tâlib, son cousin et gendre. Tous les quatre se sont convertis dans les débuts de la prédication de Muhammad, et joueront un rôle essentiel après sa mort. Du premier, les historiens musulmans retiennent l’image de l’unificateur de la péninsule arabique, menant des expéditions contre les tribus qui avaient considéré le pacte les liant au Prophète comme caduque avec sa disparition, ou refusant désormais d’appliquer certaines règles cultuelles, notamment l’aumône légale annuelle. Le second sera le moteur de la conquête des régions du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord. Les premiers conflits politiques apparaîtront lors du califat de ‘Othmâne, et atteindront leur paroxysme lors des affrontements fratricides dont sera victime ‘Alî. Les quelques trente années de ce « califat bien guidé » sont considérées comme l’âge d’or de l’islam par les musulmans.

[4]           Pour désigner le croyant pécheur, les docteurs de loi l’ont qualifié de fâsiq, littéralement « celui qui s’est écarté des commandements divins ». Le terme a toujours gardé une large part de flou dans les acceptions qui lui ont été assignées, car il peut désigner tout à la fois le croyant ayant commis un « grand péché », ou le croyant qui commet  des petites fautes de façon récurrente. Selon l’acception retenue, le terme aura alors une portée plus ou moins large.

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